Programme PEACE : Programme d’étude sur l’articulation de la Constitution et de l’Europe
Responsable : Hélène GAUDIN
Le projet présenté vise à étudier ce qui pourrait être une mutation, celle de la notion de Constitution et de droit constitutionnel sous l’influence du droit de l’Union européenne, voire de la Convention européenne des droits de l’Homme.

INTERET DE L’ETUDE 

La recherche sur la nature de l’entité Union européenne présente la particularité de déstabiliser les catégories préexistantes que sont l’organisation internationale et l’Etat. L’Union européenne perturbe aussi de ce fait certaines catégories et notions juridiques, comme la notion de Constitution et la discipline droit constitutionnel que ce soit parce qu’elle utilise ces qualifications ou parce qu’elle interagit avec les droits constitutionnels nationaux.

 Une théorie de l’articulation de la Constitution et de l’Europe, paraît alors nécessaire scientifiquement, pour tenter de mettre en adéquation la réalité et le droit.

Dans cette logique, le projet présenté vise à étudier ce qui pourrait être une mutation, celle de la notion de Constitution et de droit constitutionnel sous l’influence du droit de l’Union européenne, voire de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Il s’inscrit dans une recherche déjà entamée par ailleurs en liaison avec des spécialistes d’autres disciplines, notamment le droit constitutionnel, et dans une perspective de droit comparé, et qui a conduit à diverses publications dont une étude globale et collective publiée au volume VI de l’Annuaire de Droit Européen consacrée au droit constitutionnel européen (Bruylant, 2011). En ce sens, le programme PEACE présenté ne doit pas être entendu dans le sens d’une défense disciplinaire du droit de l’Union, mais, au contraire, une ouverture de celui-ci et un enrichissement réciproque.

Deux raisons principales peuvent expliquer l’intérêt de l’étude :

  1. Une justification scientifique.
  2. a nécessité d’une recherche sur l’articulation de la Constitution et de l’Europe découle d’abord d’une juste prise en compte de la réalité. Dans le domaine juridique, cette réalité est traditionnellement prise en compte à travers une classification en catégories juridiques. Celles-ci tirent leur pertinence de leur adéquation avec la réalité, qu’elles la reflètent mais aussi qu’elles entraînent un certain nombre de conséquences qui vont constituer cette réalité.
    Force est de constater que ce postulat est bien loin d’être vérifié dans le cas de l’Union européenne. L’Union européenne peut, en effet, et d’abord, se définir par une double négation : ni organisation internationale, ni Etat, elle présente à l’égard de l’un et l’autre modèle des traits trop spécifiques pour relever de chacune de ces catégories juridiques.
    L’hybridité de l’Union européenne se retrouve dans la terminologie juridique. Classée au regard de sa formation dans la catégorie des organisations internationales, l’Union européenne a connu un perfectionnement progressif de son droit. Au contact des Etats membres et des droits nationaux, y compris constitutionnels, celui-ci s’est façonné à l’image d’un droit constitutionnel. Soutenant ce mouvement de fond, l’usage d’une terminologie empruntée à l’ordre constitutionnel interne, largement initié par la Cour de justice des Communautés européennes, a fait son apparition.
    Cependant, un essai de systématisation peut être utile et scientifique à un moment où des transformations sont en cours dans le droit de l’Union et les droits nationaux sans que l’on ne dispose de tous les éléments pour les analyser. Comme pour les autres droits et disciplines, en leur temps, le pragmatisme dans la mise en place ne peut sans nul doute suffire. Le mouvement étant partagé par les autres pays membres de l’Union européenne, une tentative de systématisation participe de cette clarification et du dialogue entre les Etats et leur ordre juridique.
  3. Un enrichissement disciplinaire.
  4. Une recherche sur l’articulation entre la Constitution et l’Europe est nécessaire dans un souci d’enrichissement de la science du droit, science sociale et à ce titre ouverte sur les changements du monde qui l’entoure. 
    La question principale du sujet est, au delà de l’étude de l’émergence d’un droit constitutionnel de l’Union ou des conséquences sur les Constitutions nationales de l’appartenance aux organisations européenens, qui sont, certes des préalables indispensables, celle de l’émergence d’une discipline nouvelle et transversale définie par les liens noués justement avec le droit constitutionnel de l’Union et les droits constitutionnels nationaux. Cette discipline nouvelle, par principe autonome, serait le droit constitutionnel européen.

ARCHITECTURE DE L’ETUDE

 

Période charnière, les années 2000/2012 permettent à la fois de mesurer le chemin parcouru, et de dessiner de nouvelles perspectives. La constitutionnalisation du droit de l’Union européenne en constitue une preuve éclatante révélant à la fois l’accumulation de matériaux dont la théorie peut faire son miel et le passage à une nouvelle ère. Preuve en est donnée par le système des Conventions et par l’élaboration de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Preuve en est donnée aussi par l’influence croissante de l’Europe sur les Constitutions nationales.

De ce fait, la théorisation de ce que l’on peut appeler le droit constitutionnel européen, entendu comme discipline autonome et transversale, traduisant les relations constitutionnelles qui se nouent entre le droit constitutionnel de l’Union et les droits constitutionnels nationaux, est dorénavant envisageable.

Elle implique une très grande attention portée aux problèmes de méthodes car ce droit constitutionnel européen est partagé entre divers droits et diverses conceptions et présente aussi la particularité d’être commun.

L’étude se déclinera en trois temps telles les étapes d’une fusée, le passage de l’une à l’autre amenant à l’étude finale.

 

  1. Le droit constitutionnel de l’Union européenne.
  2.  L’existence d’un droit constitutionnel peut être placée au rang des caractéristiques de l’Union. Mais existe-t-il vraiment un droit constitutionnel de l’Union ? et celui-ci serait-il un droit constitutionnel dont les caractéristiques reflètent celles de l’Union européenne ?

    Le premier thème à aborder est donc celui de l’existence d’un droit constitutionnel de l’Union, et de ses particularités, car sans Constitution et sans Etat (par exemple, quid alors du pouvoir constituant ?). Rattachée à ces réflexions, peut être abordée la question de la concurrence apportée au droit constitutionnel par des thèmes voisins comme ceux de la gouvernance et de la régulation.

    Néanmoins, quelle que soit sa particularité de départ, on retrouve dans le droit constitutionnel de l’Union les grands thèmes de la discipline, comme la démocratie, voire la trilogie composant les axes du droit constitutionnel moderne, à savoir la question des pouvoirs des institutions, celle de la répartition des compétences (entre l’Union et ses Etats membres) et enfin celle des droits fondamentaux.

    Si l’ensemble de ces trois derniers thèmes seront abordés, il nous semble que, dans la période actuelle, il convient d’attribuer une place à part dans notre étude à la protection des droits fondamentaux dans l’Union européenne.

    La période, avec les perspectives d’adhésion de l’UE à la CEDH, nous paraît alors propice à mener une réflexion sur la jurisprudence de la Cour de justice sur la Charte des droits fondamentaux et son articulation avec les protections nationales et la Convention Européenne des droits de l’Homme.

    Nous pourrions alors proposer une réflexion d’ensemble conduisant à un colloque sur le thème de cette articulation.

     

  3. L’influence de l’Europe sur les droits constitutionnels nationaux.
  4. Cette influence, pour devoir être analysée quant à ses vecteurs et ses effets, a été consacrée par les textes fondateurs de l’Union et également dans les Constitutions nationales.

    Le terme d’appartenance a été ainsi évoqué par le traité établissant une Constitution pour l’Europe. Le traité de Lisbonne fait une place à part à ses Etats membres et aux relations entretenues avec l’Union. Ainsi, l’article 4§2 TUE énonce les droits et règles de comportement des Etats et de l’Union. Celui-ci énonce en effet que « l’Union respecte l’égalité des Etats membres devant les traités ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l’autonomie locale et régionale. Elle respecte les fonctions essentielles de l’Etat, notamment celles qui ont pour objet d’assurer son intégrité territoriale, de maintenir l’ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale... ». On peut d’ailleurs constater que cette disposition apparaît progressivement dans la jurisprudence de la CJUE relative à la primauté et/ou aux structures étatiques. Symétriquement à cette montée en puissance de la notion d’appartenance, et à la définition d’une identité européenne de l’Etat membre, se dessine aussi une conception identitaire de l’Etat avec la réaffirmation du respect de l’identité nationale (ou constitutionnelle) des Etats membres.

    Réciproquement, la participation ou l’appartenance des Etats à l’Union européenne se trouvent affirmées dans les textes constitutionnels nationaux, comme l’article 88-1 de la Constitution française.

    Cette participation entraîne inévitablement un certain nombre de conséquences sur les droits constitutionnels nationaux. L’influence peut être décrite dans différentes branches des droits constitutionnels nationaux.

    On peut ainsi noter l’influence sur le pouvoir de révision, au fond bien sûr mais aussi de manière plus complexe sur la procédure.

    L’influence au fond sur les Constitutions nationales peut elle-même être détaillée. On ne mentionnera ici de manière large que l’influence sur les structures de l’Etat (Etat unitaire, fédéral, régionalisé), sur les valeurs de l’Etat et enfin sur le fonctionnement institutionnel national.

    On pourrait enfin mentionner le statut constitutionnel qui est, désormais, attribué au droit de l’Union européenne, qui, il y a peu de temps, était encore contesté.

    Pour entamer cette étude, le point de départ pourrait être l’organisation d’un travail collectif sur la Constitution européenne de la France.

     

  5. Le droit constitutionnel européen.
  6. A côté du droit constitutionnel de l’Union et de l’influence européenne sur les Constitutions nationales, et sur la base de ceux-ci, peut être dégagée la notion de droit constitutionnel européen. Le croisement de la réalité, de l’inadéquation des catégories existantes, conduit à penser que le moment est approprié pour tenter une esquisse de théorie du droit constitutionnel européen, à l’image de ce qui s’est passé au XIXème siècle pour le droit constitutionnel national. Le postulat de départ est alors que cette notion se superpose au droit constitutionnel de l’Union comme aux droits constitutionnels nationaux.

    Dans une première approche, qu’il conviendra de discuter pour la confirmer ou l’infirmer, le droit constitutionnel européen apparaît moins comme le résultat de l’éclatement d’un droit et d’une discipline, que comme la conséquence d’un regroupement de droits et de disciplines, qui, pour autant, gardent leur existence et leur identité. Dans cette logique, la question de l’émergence d’une nouvelle discipline n’est sans doute pas propre au droit constitutionnel européen, témoignage de l’évolution de la société.

    Pourtant le deuxième postulat posé par le sujet est que ce droit constitutionnel européen est unique, sans doute unifié par référence à son qualificatif d’européen, à moins que ce soit par référence au qualificatif de « constitutionnel ». Ce qui fait ou a permis ce droit constitutionnel ce sont les relations qu’ont tissé les droits constitutionnels nationaux avec le droit de l’Union européenne.

    Le troisième postulat enfin réside dans l’interrogation sur la possibilité de sa définition unique et sans doute commune. Il faut donc définir mais aussi trouver une définition qui pourrait être partagée par les droits européens et nationaux. En effet, le propre du droit constitutionnel européen est qu’il englobe ceux-ci, impliquant autant de logiques que de droits.

    Cette étude, de longue haleine, nécessite le passage par la mise en place de contrat spécifique.

 

EQUIPE



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