Programme CRISIS-SOCIAL : Etudes de droit social européen comparé dans le contexte de la crise
Le programme est parti d’une conviction : l’incidence de la dimension européenne sur l’évolution du droit social dans les Etats membres, l’étude relevant d’emblée de deux axes de l’IRDEIC : le droit comparé et le droit européen.
La méthodologie a consisté à constituer un réseau d’universitaires et de magistrats de la Cour de cassation pour réfléchir à cette incidence et rapidement, deux questions se sont dégagées. D’une part, cette incidence se traduit par une restructuration du droit social et du droit du travail du fait du pluralisme des sources juridiques dans l’espace européen, ce pluralisme ayant pour première conséquence l’émergence d’un dialogue des juges qu’il a été décidé d’étudier dans un premier temps. Si le « dialogue des juges » correspond à une problématique déjà classique, il s’agissait de mettre en évidence celui qui se développe en matière sociale.

Le premier acte du programme a donc consisté à organiser un colloque à Toulouse le 9 février 2012.

Pluralité des sources et dialogue des juges en droit social. Colloque 9 février 2012 Toulouse Etudes de l’IRDEIC VIII/2013

Le deuxième acte du programme a consisté à mobiliser le réseau sur la question centrale des transformations du droit du travail dans le contexte de la crise, le réseau permettant de faire une approche comparée européenne. La problématique a ainsi été définie : dans ce contexte de la crise réapparaît le discours de la compétitivité freinée par le droit du travail, ce même vieux discours des années Reagan et Thatcher. Comment se traduit ce discours dans les différents Etats membres ? Il ne faut pas oublier que l’Union est un pôle de compétitivité comme le confirme l’article 3 TUE pour « une économie hautement compétitive ». Néanmoins, le social se doit d’accompagner l’économique, comme l’illustre le concept de « flexicurité » et « la méthode ouverte de coordination ». Ou se situe l’équilibre et comment articuler les 2 ? La crise et l’augmentation du chômage suscitent donc des réactions politiques pour relancer l’emploi. L’on peut alors observer des évolutions et des mutations importantes du droit du travail. Elle a pu avoir comme effet, notamment en France, d’altérer les concepts clés du droit du travail : les concepts d’employeur et d’entreprise, et par conséquent la relation employeur/salarié avec l’altération des concepts de contrat et de travail subordonné. Et enfin, la notion de salarié. Ces notions ont-elles été partout remises en question ?Dans quelle proportion ?
En effet, les droits collectifs ont été le premier pan du droit du travail touché, avec notamment la division de l’entreprise et de la collectivité de travail, à des fins d’optimisation sociale et fiscale, par la décentralisation productive (la multiplication de sociétés, de sous traitants, la simplification du prêt de main d’œuvre par la loi du 28/07/2011).
Ce « nuage d’employeurs » et ces écrans de fumée permettent de faciliter le licenciement économique, la cessation d’activité. Le juge a pris en compte depuis longtemps ces difficultés et par exemple a posé le principe du maintien des contrats de travail en cas de transfert d’entreprise. Mais la question demeure cruciale et complexe en cas de cessation d’activité.
Ainsi, les stratégies de contournement par l’externalisation viennent bouleverser la notion de contrat et de lien de subordination.
Observe-t-on ce même phénomène d’éclatement de la structure productive, de décentralisation et cette tendance à l’externalisation dans tous les Etats membres ? En résulte-il un affaiblissement du collectif et un recentrement sur l’individuel avec comme conséquence un effritement du lien de subordination et de la notion de contrat ?
Le droit du travail s’est donc recentré sur la relation individuelle, la crise de l’emploi renforçant le pouvoir de l’employeur, et la dépendance économique nourrissant ce pouvoir de fait et juridique.
Ce pouvoir s’exprime dans les nouvelles techniques de gestion du personnel au nom de la productivité, faisant entrer la compétition au sein de l’entreprise entre les salariés, avec les méthodes d’évaluation du personnel, la gestion par le stress (harcèlement moral), et les clauses de résultats. Ainsi, l’on observe une explosion du nombre de licenciements pour motif personnel sur cette base. Cette intensification du pouvoir subi, jusqu’à l’utilisation des nouvelles technologies (caméra au travail, surveillance de la correspondance et des mails), a des conséquences sur la santé (risques psychosociaux). Qu’en est-il dans les autres pays de l’Union ? A-t-on recours à ces techniques de gestion par le stress et la compétitivité dégradant les conditions de travail ? Observe –t- on ce phénomène inquiétant des « risques psychosociaux » ?
Cette nouvelle gestion se retrouve en matière de temps de travail, où les évolutions ont été importantes. Il y a un temps de travail, temps de la subordination et un temps libre pour la recréation et la reconstruction. Or de plus en plus ce temps fondamental est empiété par le pouvoir de l’employeur qui de plus en plus peut s’en saisir à volonté avec par exemple les astreintes, les accords de modulations, ou les heures supplémentaires, que le salarié ne peut refuser, au risque d’être licencié pour faute disciplinaire, sous réserve du droit au repos et atteinte à la vie familiale. Le temps de travail a t-il connu partout ces mêmes évolutions liées à la volonté d’augmenter la productivité et le renforcement du pouvoir de l’employeur ?
Le dernier bastion protecteur du droit du travail, le droit du licenciement, a lui aussi été abordé avec de multiples assouplissements, le plus connu étant la rupture conventionnelle. Le droit du licenciement des autres Etats membres a-t-il mieux résisté qu’en France ?

L’intérêt manifesté par la Chambre sociale de la Cour de cassation a conduit à organiser ce colloque dans la Grand Chambre de la Cour, le 14 février 2014.

Les transformations du droit du travail et la crise.
Approches comparées en Europe







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